Des expériences en psychologie montrent les différents facteurs pouvant intervenir dans l’efficacité de la mémoire.
Les conclusions de ces expériences rapportées ici m’ont été enseignées par Hervé Devos, professeur de psychologie du travail, au Conservatoire National des Arts et Métiers de Lille, année scolaire 1997-1998.
Effets liés au matériel pédagogique
L’effet de répétition
Plus un événement est répété, meilleur est sa rétention. Une certaine forme de redondance est donc utile dans les exposés, mais avec des formulations différentes, afin de favoriser la décontextualisation.
La loi de distribution (loi de Jost)
La rétention est meilleure lorsqu’on alterne des pauses entre les apprentissages (apprentissage distribué) et lorsque les pauses ne sont pas trop longues, que lorsque tout est appris à la fois (apprentissage massé).
L’apprentissage global et l’apprentissage partiel
Ils correspondent à la distinction entre apprentissage massé et distribué mais en ajoutant une dimension d’organisation ; il s’agit de la manière dont on va découper le matériel. L’apprentissage partiel consiste à découper le matériel en petites parties accessibles au public concerné. Les différentes parties sont apprises séparément, les unes après les autres. L’apprentissage global consiste à apprendre le matériel par cœur dans son intégralité. L’efficacité pédagogique du découpage dépend du niveau d’expertise des étudiants par rapport à la complexité du contenu et de la forme : moins le sujet est familiarisé avec la discipline considérée ou plus le matériel lui est complexe, plus l’apprentissage partiel est efficace. L’apprentissage global est plus efficace pour l’expert-e car il/elle perçoit la logique qui se dégage du texte global et sélectionne les détails intéressants.
Matériel imagé et matériel verbal
Les personnes n’ont pas les même facilités à retenir deux présentations du même concept. Certaine personnes retiennent mieux un matériel imagé (dessins, courbes, schémas…) et d’autres un matériel verbal. Les deux types de présentation sont donc intéressants à utiliser simultanément pour s’assurer d’une compréhension par l’ensemble des apprenants.
Les effet de récence et de primauté
Les expériences de mémorisation de listes de mots montrent que l’on retient mieux en mémoire à court terme le début (effet de primauté) et la fin (effet de récence).
En mémoire à long terme, c’est à dire lorsque le rappel est différé de quelques jours, seul le début du message est retenu. Les publicitaires connaissent bien ce phénomène, c’est pourquoi les informations les plus désirables sont souvent présentées au début et parfois à la fin de la publicité. Par ailleurs, il leur est préférable d’être au début ou à la fin des séries publicitaires.
Au niveau pédagogique, les effets de récence et de primauté démontrent l’utilité d’une introduction et d’une conclusion contenant l’essentiel de l’information que l’on souhaite transmettre.
L’effet de familiarité
Plus un mot est familier, plus il est facile à mémoriser, grâce aux structures préexistantes en mémoire. Une application pédagogique est la présentation d’exemples familiers pour illustrer un cours complexe.
L’effet de significativité
Plus un matériel est significatif par rapport à l’expérience concrète de l’individu et mieux il sera retenu. Une application pédagogique est de placer les travaux pratiques avant le cours.
L’effet d’interférence
L’interférence proactive (ne pas retenir de nouvelles informations) survient lorsque les nouvelles informations appartiennent au même champ sémantique que les précédentes. Il est donc utile dans l’organisation de l’emploi du temps des élèves de ne pas faire suivre des disciplines fort ressemblantes (par exemple un cours d’italien après un cours d’espagnol).
L’effet de catégorisation
Plus un matériel est composé d’unités catégorisables, plus il est facile à retenir. C’est pourquoi il est préférable de présenter le plan de l’exposé avant le cours. Cet effet se rapproche de celui de l’apprentissage partiel, mais en insistant sur le découpage par catégories sémantiques.
L’effet de complexité du matériel
L’empan mnésique est de 7 plus ou mois 2 éléments. Il semble que cette découverte de Miller (1956) résulte plutôt du laps de temps nécessaire pour énoncer les items qu’il avait choisis. Une application pédagogique consiste à regrouper les informations en titres de catégories dont le temps nécessaire à leur énonciation correspond au laps de temps découvert implicitement par Miller. Si le nombre de catégories est trop élevé, on peut établir des regroupements en super-catégories (contenant chacune un nombre mémorisable de catégories) respectant un temps d’énonciation mémorisable. Ainsi les informations sont structurées en une hiérarchie accessible instantanément en mémoire.
L’effet de discrimination
Pour être perçu, un stimulus doit être bien discriminé de son environnement. Ce sont les gestaltistes qui ont découvert et utilisé cette loi. Cela signifie en pédagogie que l’effet parasitaire d’un bruit de fond dû aux bavardage en amphi, par exemple, peut être neutralisé en créant un contraste entre la hauteur tonale (grave / aigu) de l’enseignant et celui des élèves.
L’effet du temps
Plus le temps passe et plus le souvenir s’estompe, mais la facilité à remémorer augmente.
On distingue par ordre de rétention décroissante :
La reconnaissance
On présente au sujet une information et on lui demande de juger parmi plusieurs informations celle qu’il a déjà rencontrée. Les QCM fonctionnent selon ce paradigme.
La reconstruction
Les informations présentées au sujet sont représentées dans le désordre, le sujet doit remettre le matériel dans l’ordre initial.
Le rappel libre
Le sujet rappelle l’information qui lui a été présentée dans l’ordre qui lui convient.
Le rappel ordonné
Le sujet rappelle l’information dans l’ordre qui lui a été présenté. Il s’agit d’un croisement du paradigme de reconstruction et du paradigme de rappel libre (l’exigence est double).
L’oubli est plus rapide pour le rappel, puis pour la reconstruction. La reconnaissance est presque stable au cours du temps.
Effets liés au sujet
L’effet de la motivation
Un minimum de motivation est requis pour mémoriser. Mais un excès de motivation provoque du stress et la mémorisation est moins bonne.
Il est donc important de savoir gérer son stress en situation d’examen. Pour aider la personne anxieuse, plusieurs solutions sont possibles : les thérapies cognitivo-comportementales proposent la “désensibilisation systématique”, il s’agit d’affronter la situation anxiogène au fur et à mesure d’étapes de plus en plus stressantes jusqu’à la situation final pour laquelle le sujet poursuit la thérapie. Chaque étape s’accompagne d’exercices de relaxation. Cette mise en situation progressive peut s’illustrer dans le domaine scolaire par les examens blancs. Une autre forme de thérapie consiste à immerger totalement le sujet dans la situation anxiogène. Le risque encouru est alors une fuite définitive du sujet. Une autre solution pour pallier les réactions neurovégétatives est de pratiquer un sport.
L’effet du sommeil
L’effet du sommeil correspond à plus grande échelle à l’effet des pauses entre les apprentissages (loi de distribution de l’exercice). Les études de Montagner montrent que le taux de performance d’un enfant est corrélé au nombre d’heures de sommeil.
L’effet de certaines drogues
A faible dose, l’alcool, le cannabis, la caféine peuvent diminuer l’anxiété et par conséquent augmenter la vigilance. Mais cet effet est d’avantage lié à une autosuggestion psychique qu’aux effets chimiques réels de ses substances, par exemple en associant le souvenir de la consommation à une pause, la pause étant prétexte aux premières prises, puis, par apprentissage associatif, la substance se suffit à elle même. Mais cet effet psychologique est minime. Par contre un excès de ces substances provoque une nette altération de la mémoire. C’est souvent dans la recherche de l’effet initial que des personnes aboutissent à l’excès, produisant ainsi exactement l’effet contraire à celui qu’ils espèrent.
L’effet des lésions cérébrales
Les effets produits par divers types de lésions cérébrales montrent que nous n’avons pas une mémoire unique. L’aphasie de Wernicke par exemple (confusions sémantiques dans le discours verbal) s’accompagne systématiquement d’une lésion du lobe temporal gauche, nous pouvons en déduire que cette zone cérébrale gère les connexions entre les caractéristiques phonologiques et le contenu sémantique du langage.