La science nous offre l’idée qu’un jour, tout sera sous contrôle, puisque tout obéit à des règles régulières. Il suffit de trouver les formules mathématiques qui imitent le mieux les observations, afin de réaliser des prédictions.
En fait, c’est vrai dans un environnement où l’on contrôle tout, et où l’on se limite à ce qu’on peut observer à notre échelle d’espace et de temps.
Les lois de la gravité ne suffisent pas à expliquer certains mouvements des astres, par exemple le fait que les galaxies s’éloignent les unes des autres de plus en plus vite. Pour l’expliquer, on parle de “matière noire”, inobservable directement, et exerçant une force de gravité. Mais en fait, nous ne savons pas.
Même dans notre palette conceptuelle et sensorielle limitée, il est difficile de reproduire un environnement avec précision, et donc de faire des prédictions parfaites, car nos instruments de mesure sont limités. Or, de très petites différences de conditions initiales, qui ne sont pas toujours mesurables, peuvent produire des résultats tout à fait différents.
C’est ce qu’a observé un météorologue nommé Lorenz dans les années soixante. Il réalisait des prévisions météo à partir de formules mathématiques complexes prenant en paramètres des conditions climatiques telles que la vitesse du vent, la température et la pression. En laissant plus de chiffres après la virgule, donc en entrant des mesures plus précises, les résultats deviennent tout à fait différents. Il en déduit que des variations subtiles peuvent produire de grands changements
Un battement d’ailes de papillon au Brésil peut produire une tornade au Texas
Edward Lorenz, 1972
Avant Lorenz, Mary Lucy Cartwright et John Edensor Littlewood avaient observé un phénomène pareillement surprenant, pendant la seconde guerre mondiale, au sujet des ondes radio. Lorsque l’amplitude des ondes radio était plus petite, leur transmission devenait plus instable, autrement-dit, imprédictible.
Lorsqu’on va vers l’extrêmement petit, au niveau des constituants supposés des atomes, la prédictibilité devient plus dure, et les physiciens calculent des probabilités d’événements. C’est le domaine de la physique quantique. Certaines observations vont jusqu’à défier nos capacités conceptuelles, par exemple le fait qu’un photon ou un électron puisse avoir parfois les propriétés d’une particule, et parfois celles d’une onde, selon la manière dont on le mesure.
Il n’y a que dans le monde mathématique, c’est à dire notre monde conceptuel, que nous pouvons produire de parfaites prédictions. Les connaissances que nous possédons dans d’autres disciplines sont de simples observations à partir desquelles nous avons dégagé des récurrences nous offrant une prédictibilité suffisante sur notre échelle de temps et d’espace, et qui parfois font l’objet de modèles mathématiques.
Ainsi, aucun être humain ne pourra totalement définir la réalité, car nous sommes limités dans ce que nous sommes capables d’observer et de concevoir. Nous pouvons observer des redondances et en déduire des règles, elles demeurent valables pour notre niveau d’observation seulement, dans un environnement où tout est sous contrôle.